GDS extrait 3.1
Vincent quant à lui remonta dans sa chambre, prépara quelques affaires. Un pantalon en lin clair, une chemise de soie noire et un col roulé en coton léger qu’il enfila après une rapide douche. Il se dépêcha ensuite de planquer au mieux les disques qui lui avaient été confiés, puis sortit rejoindre celle qui lui manquait déjà tant.
Il arriva devant le hall d’immeuble. Les odeurs lui étaient familières, son cœur vibrait déjà. Après quelques pas, une montée d’escalier. Sur le mur, une fresque assez sombre que quelqu’un avait eu l’idée de signer « HK, reflets ». Puis le bon étage, le couloir, une porte. Le bouton de sonnette. Vincent prit un grand bol d’air, puis actionna le mécanisme qui avait pour effet de produire un son clair et sec. Le signal émis avait à chaque fois l’effet immédiat de nouer un peu plus l’estomac déjà crispé de Vincent. Personne ne répondait. Peut-être était elle sortie ? Mais elle lui avait dit qu’elle serait là. Il la supposa alors sous sa douche, dans son bain ou simplement en train de pratiquer une séance de gym tonique, un casque stéréo sur la tête et une musique de transe repassée en boucle. Il se disait aussi qu’en insistant un peu sur la sonnette, et avec la conviction d’un adepte des machines à sous, il arriverait à faire se glisser dans la transition entre deux morceaux, le signal qui lui permettrait d’entrer ? Il insista donc. Et avec la régularité d’un métronome et l’idée que son acte pouvait paraître ridicule, il sonnait, encore et encore. Son rite fut soudain interrompu par une porte qui s’entrouvrait. Une vieille dame, voisine à quelques pas, sortit la tête, esquissa un franc sourire au jeune homme, puis délivra avec la fébrilité de ses cordes vocales :
« Il n’y a personne monsieur. La ptit’ dame est sortie il y a dix minutes pas moins. Ce n’est pas de chance ! Vous vous êtes croisés. »
GDS extrait 3.2
La sonnette, victime ou complice du rituel qu'avait établi Vincent, remerciait ou maudissait l'intervention de la voisine qui peut-être mettait fin à un plaisir qui allait atteindre son apogée? Le fait était que Vincent allait pour l'heure renoncer à voir Iris. Il rédigea un mot rapide puis le glissa sous la porte. Puis il s'en alla, laissant la sonnette avec la frustration de ne savoir l'issue qui pouvait être réservée à cette rencontre. Il sortit et rejoignit son véhicule. De l'autre côté de la rue, une femme traversait, zigzaguant au milieu du flot nourri d’engins motorisés. C'était bien elle. Vincent leva les bras en les balançant pour se faire voir. Il referma la portière du véhicule puis se dirigea vers elle. Leur rencontre se fit au croisement de deux ruelles, dans le brouhaha ambiant d'une circulation chargée.
_ Bonjour Vincent. Heureuse de te revoir.
_ Moi aussi. Tu vas rire, tu m'as manqué.
_ Ça me fait très plaisir ces mots! Allez, viens. Ne restons pas ici, on ne s'entend pas parler.
Ils reprirent le chemin du petit appartement où nichait la jeune femme. Devant le pas de la porte et tout en recherchant les clefs qui leur permettraient de pénétrer son antre, Iris expliquait:
"Excuse-moi, je t’ai fait attendre. Mais je n'avais plus de provisions et suis sortie effectuer quelques courses. Plus longues que prévues, certes, mais c'en valait la peine. Il y a un chocolat sublimissime que je veux te faire découvrir. Tu verras, il est divin."
Elle sortit le trousseau de son sac. Plusieurs clefs y jouaient de promiscuité et allaient pousser un bref cri de soulagement pour cette libération provisoire. L'une d'elles allait ensuite jouer le rôle du sésame permettant aux tourtereaux d'accéder à l'enceinte de l'appartement.
En avançant, Vincent jeta un regard rapide sur le bouton de sonnette. Si elle avait eu un cœur, il aurait certainement vibré à l’image de celui de ces amantes avec qui l’on signe, par un dernier regard explicite, la fin de ce qui aurait pu être.
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